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Entretien avec Dounia Issa

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Dounia, tu as décidé d'arrêter en fin de saison dernière ta carrière de joueur. Il y a bien sûr le côté physique avec tes deux blessures, mais est-ce que tu l'avais déjà mentalement anticipé ?
Les deux. La première blessure a commencé à m'y faire penser, et la deuxième n'a fait qu'accélérer la décision.

Mais avant ta première blessure, tu y pensais déjà ?
Forcément, tu y penses. Quand j'ai eu ma première blessure j'avais 33 ans, bien engagé vers les 34. Donc on commence à réfléchir à l'après carrière à cet âge. J'avais donc eu l'occasion d'y réfléchir. J'avais commencé à voir vers quoi allaient mes sensibilités et vers quoi je voulais aller.

Dounia ISSA Assistant Coach

Et donc le coaching. C'est quelque chose qui est venu sur le tard où ça t'a toujours attiré ?
C'est venu petit à petit en fait. J'ai un style de jeu particulier. Je n'étais pas un fort scoreur, j'étais plus un défenseur, un joueur d'équipe. J'ai donc toujours été obligé, je pense, de bien comprendre le jeu parce que je n'avais pas souvent la balle. Donc j'étais toujours quelqu'un qui était dans l'analyse du jeu. Je me souviens que quand j'étais chez moi je pensais beaucoup au jeu, aux systèmes, parce que je voulais optimiser les moments où j'allais avoir la balle, savoir où mes coéquipiers seraient en fonction des situations. J'ai toujours été quelqu'un qui réfléchissait sur le jeu, et qui aimait ça. Donc ce côté coaching je l'ai développé tout au long de ma carrière et, en vieillissant, avec l'expérience des vestiaires, ça c'est encore plus affirmé.

Ce côté "pas attaquant", c'est quelque chose que tu as cherché à améliorer, ou tu n'as jamais cherché ?
Non, c'est plus compliqué que ça. C'est difficile à expliquer parce que je n'ai pas toujours été comme ça. Il faut savoir qu'au départ je suis un joueur de playground, je n'ai pas fait de centre de formation.
Je suis un joueur qui aime bien tricoter la balle, qui aime dribbler. Je sais que ça va surprendre ceux qui ne me connaissent que par la Pro A, mais ceux qui m'ont connu jeune le savent. Après, quand j'ai commencé à me diriger vers le haut niveau, j'ai commencé un peu à me spécialiser, et à rester un peu dans ce registre et ce rôle. On va dire que j'étais content d'être là où j'étais. C'était tellement inespéré pour moi que je n'ai pas cherché forcément à avoir mieux et je me disais que c'était déjà quelque part une fin en soi. J'ai peut-être manqué un peu d'ambition, même si j'ai eu une belle carrière, je pense, avec le recul, que j'aurais pu faire beaucoup mieux si je ne m'étais pas mis ces limites. Si j'avais plus cru en moi, j'aurais peut-être pu avoir une autre carrière, quelque chose d'encore plus sympa. Si j'avais plus cru en moi, je serais peut-être devenu un attaquant correct.

En parlant d'attaque, les lancers-francs. Toute ta carrière tu as tourné à peu près à 50%, et pourtant ta mécanique est bonne.
Je pense que le souci est plus mental, d'ordre émotif, et lié à mon style de jeu qui est 'tout à l'énergie'. Ça fait que j'allais souvent sur la ligne en étant un peu fatigué, voire rincé. Quand tu combines avec un manque de technique pure...

Parce que tu n'as jamais cherché à travailler dessus ?
Pas vraiment. Un petit peu bien sûr mais pas énormément. Tu sais, quand tu commences un sport tard comme moi, vers 15-16 ans, tu auras toujours des manques sur les fondamentaux. Tu les as dans la tête, mais le corps ne réagit pas aussi automatiquement que quelqu'un qui a commencé jeune. Un exemple qui me frappe c'est le foot. Tout gamin j'ai énormément joué au foot. Eh bien, je peux faire un foot là maintenant, parce que y'a des trucs qui sont gravés, sans même avoir joué en club. Alors que je suis sûr que si j'arrête de faire du basket pendant quelques années, j'aurai beaucoup plus de mal. Pour en revenir à la question des lancers-francs, je pense que j'étais trop surexcité sur le terrain pour être régulier aux lancers. Un peu moins en vieillissant. Ça ne se voit pas beaucoup sur les stats mais je me sentais plus à l'aise dans l'exercice.

Dounia contre BrindisiBD

Le côté joueur de playground, toujours.
Oui, mais pas que. Il y a aussi ta propre vie. Jeune j'étais très à vif, toujours sur les nerfs. Cela peut paraître surprenant maintenant parce que j'ai pris de la bouteille, mais j'étais incapable, jeune, de me calmer pour rentrer dans ma routine de tir. À partir du moment où tu es comme ça, ce n'est plus une question de gestuelle.

D'ailleurs, en France, on retrouve ce défaut chez plusieurs joueurs. On a l'impression que ce n'est pas travaillé chez nous cette approche mentale du jeu.
Effectivement, chez certains joueurs très émotifs, très nerveux, très tendus, on n'est plus dans le geste, on est dans autre chose, de la sophrologie par exemple. Et les techniciens au basket ne connaissent pas, ou peu, cet aspect-là. Ils vont rester sur un travail sur le geste, avec 1000 lancers-francs par jour, bien travailler la finition avec le bras, etc. mais ce n'est pas ça le problème. À l'entraînement, relax, le joueur va tous les mettre et en match il va revenir à 50%. Comme tu dis, il faudrait peut-être repenser certaines formes d'entraînement par rapport à certains profils de joueur... et je suis un bon exemple ! Je pense vraiment que si j'avais fait des trucs comme de la sophrologie, de l'intériorisation, j'aurais pu m'améliorer. Mais ça, je m'en rends compte maintenant, avec le recul. C'est la vie, quand tu regardes en arrière tu te dis que tu aurais pu faire les choses autrement.

Puisque tu parles de regarder en arrière, quand tu dis que jeune tu étais quelqu'un d'à vif, quand on discute avec toi maintenant, on a du mal à le croire...
C'est clair, mais c'est parce que j'ai toujours eu deux côtés. Un côté très calme, très posé, mais refoulé à l'intérieur il y a cette tension, liée à une vie compliquée, et ça ressortait sur le terrain. J'étais un joueur très actif, tout sur l'énergie à aller à droite et à gauche, limite un peu chien fou. Je pense que le terrain traduit toujours une partie de ta personnalité.

C'est vrai qu'on observe ça chez beaucoup de joueurs. Il y en a un avec qui tu as joué qui me vient à l'esprit : Rahshon Turner. Un mec très calme, très doux, en dehors du terrain, et une teigne incroyable dès qu'il entrait sur le terrain, tout en férocité.
La personnalité d'un être humain c'est complexe. Une personne peut avoir un aspect de sa personnalité dans la vie de tous les jours et tu as un autre aspect qui va apparaître sur le terrain. C'est ça qui est intéressant avec le sport, c'est que tu en apprends toujours un peu plus sur toi-même. Tu découvres parfois des choses sur toi que tu n'aurais jamais soupçonnées, c'est vraiment très intéressant.

Revenons au présent, ton rôle exact, c'est quoi ?
Alors, j'ai signé pour 2 ans au MSB, avec comme projet de devenir assistant-coach. Sur la première année je vais passer mon diplôme d'assistant vidéo, pour être capable de débriefer les matchs, de faire du scouting, des retours individuels et collectifs avec les pros et les espoirs qui s'entraînent avec les pros. La seconde année je passerai mon diplôme d'entraîneur, le DES. Concrètement, je m'occupe de faire du travail individuel avec les jeunes, je participe aux débriefings vidéo et je suis assistant pour l'entraînement des pros.

C'est donc assez complet.
Oui, c'est assez complet. Je suis surtout là pour apprendre et j'ai un rôle de complément du staff qui est déjà en place. C'est déjà génial d'avoir autant de choses à faire.

Dounia ISSA Asssitant MSB SIG BD

Est-ce que c'est compliqué de passer de coéquipier à membre du staff ?
Pour moi, pas vraiment, parce que c'est un contexte particulier. J'ai eu deux blessures qui m'ont mis longtemps sur le côté. Donc pendant deux ans j'étais déjà plus à discuter avec les joueurs et pas à être joueur. J'avais déjà plus de recul. Je n'étais plus vraiment avec eux à l'entraînement. Donc je pense que leur perception à mon sujet était déjà différente aussi. Même s'ils ont été contents quand je suis revenu, et moi aussi j'étais content de revenir avec eux, ça fait 2 ans où je ne suis plus vraiment sur le terrain. Donc c'était assez simple à gérer la transition.

Ça aurait été plus difficile si tu avais aujourd'hui des joueurs avec qui tu as joué plusieurs saisons, je pense à Charles par exemple.
Exactement, la même situation avec des joueurs avec lesquels tu as joué pendant 2-3 ans, la bascule est plus difficile à faire. Des deux côtés. En plus j'ai eu le passage en Equipe de France pour me faire un peu la main, donc ça aussi ça m'a aidé. C'est sûr que si dès avril j'avais dû commencer j'aurais eu beaucoup plus d'appréhension, même si je n'aurais pas hésité à me lancer quand-même. Il y a toujours de l'appréhension, c'est quand même un nouveau métier à découvrir, mais moins maintenant.

Et le but après ces deux ans, c'est de passer coach principal ? Où tu attends déjà de voir ce que ça donne ?
On va déjà voir ce que donnent ces deux années, mais je ne pense pas. Ça me paraît trop rapide. Pour le moment je suis dans une phase d'apprentissage, je n'ai pas envie de brûler les étapes. J'ai l'ambition d'être coach, un bon coach, un jour. Je me connaissais en tant que joueur, je dois apprendre à me connaître en tant que coach, me forger ma personnalité, mon style. Je ne sais pas si c'est possible en deux ans. Pour les plus doués sans doute. J'ai envie de faire un bilan au bout de ces deux années, et là on verra, après avoir déjà validé tout ce que j'ai à apprendre.

Ton parcours actuel fait forcément penser à JD Jackson, la blessure mise à part. Tu en as discuté avec lui ?
Pas pour le moment. Mais on s'était vu en juin et il m'avait dit de l'appeler pour en discuter si je voulais. Je n'ai pas eu le temps mais je vais l'appeler, parce que c'est vrai qu'il a été un peu dans la même situation que moi. Je pense qu'il y a beaucoup à apprendre de son expérience. Comme coach il avait très bien cerné certains aspects de ma personnalité, et je pense qu'il pourra déjà m'orienter sur quels aspects seront les plus difficiles pour moi et pour lesquels ce sera plus simple. Il faut juste que l'on trouve un moment de disponibilité tous les deux, mais je vais l'appeler, c'est sûr.

Et déjà, tu as des choses que tu apprécies plus que d'autres ?
Pour l'instant j'aime bien tout. Mais c'est normal : tout est nouveau. Je découvre à peine, ça fait seulement un mois que j'ai commencé, dans quelques mois je pourrais peut-être plus répondre à cette question. Enfin, déjà, ce qui est sûr, c'est que j'aime bien le scouting. J'aime bien regarder les joueurs, voir leur profil, leurs forces et leurs faiblesses. J'aime bien aussi le développement des jeunes, les aider à s'améliorer. Mais j'aime bien aussi travailler avec les pros, faire les ajustements stratégiques. Non, vraiment, pour l'instant tout me plaît....

La suite de l'entretien est à retrouver la semaine prochaine

"Interview réalisée par Cyril Méteyer/MSB"


 

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